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  • Jules Laurent

Les chauffeurs VTC "UBER"​ seraient-ils des salariés?

Les chauffeurs VTC "UBER"​ seraient-ils des salariés?


Oui! C'est ce que vient de répondre la chambre sociale de la Cour de Cassation dans un arrêt rendu en date du 4 Mars 2020 (n°19-13.316). La Cour de cassation confirme ici le lien de subordination entre un chauffeur et la plateforme Uber pour laquelle il travaillait et donc la qualité de "salarié" du chauffeur.

Dans cette affaire, en 2016, un chauffeur s'était inscrit sur la plateforme Uber et avait signé avec la société un contrat de partenariat. Ce chauffeur avait ensuite loué un véhicule auprès d'un partenaire de Uber, et s'est enregistré au répertoire Sirene en tant qu'indépendant, sous l'activité de transport de voyageurs par taxis. Il a ensuite exercé l'activité de transport de voyageurs, VTC auto-entrepreneur, pendant quelques mois jusqu'à ce que la plateforme Uber désactive son compte.

Suite à la désactivation de son compte Uber, ce chauffeur a saisi le conseil de prud'hommes en demandant la requalification du contrat de prestation avec Uber en contrat de travailet en contestant les conditions de cette rupture qu'il analysait en un licenciement abusif.

Dans un premier temps, le conseil de prud'hommes s'était estimé incompétent n'y voyant qu'une simple relation commerciale entre le chauffeur et Uber.

La cour d'appel de Paris avait en revanche conclu à l'existence d'un contrat de travail et à la compétence du conseil de prud'hommes qui devra juger les conséquences de la rupture du contrat de travail (CA Paris, 2ème ch., 10 janv. 2019, n°RG18/08357).

La société Uber avait annoncé aussitôt sa volonté de se pourvoir en cassation contre cette décision d'appel.

C'est cette affaire qui a donné lieu à cet arrêt du 4 Mars 2020 par lequel la Cour de Cassation confirme la position de la Cour d'Appel qui avait reconnu l'existence d'un lien de subordination entre le chauffeur VTC et la plateforme Uber.

Pour rappel, la loi ne donne pas de définition du contrat de travail. En se référant à la doctrine et à la jurisprudence, on peut dire que le contrat de travail est un contrat par lequel une personne s'engage à travailler pour le compte et sous la direction d'une autre personne, moyennant rémunération.

Trois éléments caractérisent donc le contrat de travail :

  • la fourniture d'un travail,

  • le paiement d'une rémunération,

  • l'existence d'un lien de subordination juridique.

Cependant, la réunion des deux premiers éléments n'est pas suffisante ; l'accomplissement d'un travail moyennant rémunération peut faire en effet l'objet d'autres contrats. Par contre, la notion de subordination juridique est spécifique du contrat de travail.

Il s'agit d'un critère décisif qui permet de distinguer le contrat de travail des autres formes de contrats.

Depuis un arrêt du 13 novembre 1996, la jurisprudence donne une définition de la subordination juridique commune au droit du travail et de la Sécurité sociale qui est la suivante : « l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ».

Dans cette affaire, les juges ont recherché s'il existait un lien de subordination entre le chauffeur VTC et la société UBER bien que ce travailleur soit un travailleur indépendant inscrit au "Registre des métiers".

La Cour constate que ce chauffeur était "loin de décider de l’organisation de son activité, de rechercher sa clientèle ou de choisir librement ses fournisseurs".

De fait, pour les magistrats, "le chauffeur qui a recours à l’application Uber ne se constitue pas sa propre clientèle, ne fixe pas librement ses tarifs et ne détermine pas les conditions d’exécution de sa prestation de transport qui sont entièrement régis par la société Uber". Par ailleurs, "à partir de trois refus de courses, la société Uber peut déconnecter temporairement le chauffeur de son application". En outre, "en cas de dépassement d’un taux d’annulation de commandes ou de signalements de comportements problématiques, le chauffeur peut perdre l’accès à son compte".

Enfin, "le chauffeur participe à un service organisé de transport dont la société Uber définit unilatéralement les conditions d’exercice".

Pour toutes ces raisons, la Cour de Cassation en déduit ainsi qu'il existe bien un lien de subordination entre le chauffeur et Uber lors de la connexion à la plateforme numérique, ce dernier se caractérisant par trois éléments : "le pouvoir de donner des instructions, le pouvoir de contrôler l’exécution ainsi que le pouvoir de sanctionner le non-respect des instructions données". La requalification du contrat de prestation en contrat de travail était donc encourue.

REMARQUE: Pour rappel, c'est la deuxième fois que la Cour de cassation se prononce sur le statut des travailleurs des plateformes. En 2018, la Haute juridiction avait retenu l'existence d'un contrat de travail entre un livreur à vélo et la plateforme de mise en relation "take eat easy" sur la base des deux critères principaux suivants : le fait que la plateforme pour laquelle travaillait le livreur était dotée d'un système de géolocalisation permettant le suivi en temps réel de la position de celui-ci ; et sur le fait que la société disposait en outre d'un pouvoir de sanction en cas de contentieux .

Mais dans ce nouvel arrêt la Cour de Cassation va encore plus loin dans son analyse en énumérant les éléments que l'on peut utiliser pour caractériser un lien de subordination, ce qui lui donne une portée considérable pour l'ensemble des travailleurs des plateformes collaboratives. De nombreux travailleurs, quelque soit leur secteur d'activité, liés dans les mêmes conditions avec de telles plateformes donneuses d'ordre, pourraient s'appuyer sur cette décision pour demander la requalification de leur relation contractuelle de prestation en contrat de travail salarié.

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